Nomade posa sa mallette sur le sol. Il jeta un coup d’œil rapide dans le couloir, mais ne vit personne, donc il en devait y avoir personne. Il n’y avait jamais personne ici, dans ces immeubles désaffectés. Il se demandait un peu ce qu’il faisait là. Il aurait aussi bien pu aller sur place faire le bouleau au couteau, c’aurait été pareil, il n’y avait rien, aucune police, aucun ordre. Ou presque rien. Les Tentacules étaient réunis autour d’une même passion pour le sexe, ça les empêchait de se battre en plus de les inciter à maintenir l’ordre, car sinon, leurs fragiles soumises seraient les premières à se faire fendre le crâne.
Quoi qu’il en soit, il était sans doute inutile de prendre de telles précautions. Nomade cracha par terre. S’il avait été au début, quand il avait commencé ce boulot, il aurait barricadé la porte avec du fil électrique, quasiment invisible, en plus de poser des mines de proximité dans le couloir, à tout hasard. Là, il s’était contenté de barricader la porte en posant une chaise contre celle-ci. Il n’avait d’autre arme que le fusil et son pistolet à injections. Il assembla le fusil contenu dans la mallette. Posa le trépied sur le rebord de la fenêtre dépourvue de vitre. Le canon noir ne dépassait pas. Il aligna la porte d’entrée du centre de reproduction avec le viseur. A 18h33 précises, un petit chef de service de rien du tout, celui qui s’occupait de la maintenance des machines nourrissant les soumises, sortirait. Il s’agissait de l’abattre d’une balle en plein crâne. Belotte. Ensuite, dans la cohue, un autre homme sortirait par une porte de secours sur la face est du bâtiment, tout juste à la limite de l’angle de tir de Nomade. Lui était un ingénieur chimiste qui avait pour charge – actuellement – de développer les enzymes inhibitrices de la parole pour les nouvelles soumises. Rebelote. Nomade sourit. Il ne savait pas ce qu’il y avait entre ces deux hommes, cependant ils l’avaient tous deux contacté, chacun pour abattre l’autre, et à un jour d’écart. Il s’était fait payé en avance, et allait remplir les deux contrats. La deuxième tête serait la plus difficile à faire tomber.
18h32 et 04 secondes. Un souffle, un frottement infime, comme le vent dans un drap mis à sécher, par une très légère brise d’été, retentit aux oreilles de l’ancien militaire. Il n’y prêta pas attention, sans doute un chat, il avait autre chose à faire. Ridicule…